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  Emilie a vécu le mystère pascal
par Sr M.Pascale Epailly

Le mystère pascal fonde la foi Chrétienne et, dans toute vie, on retrouve, à un moment ou à un autre, les aspects vécus par Jésus pendant les jours saints.
Regardons comment Emilie les a vécus.


1) Donner sa vie par amour
Le jeudi Saint, on pense spontanément au don suprême de sa vie que Jésus a fait dans l'Eucharistie. Volontairement, nous ne parlerons pas de cet aspect, qui sera traité au moment de la fête du Saint Sacrement.

Jésus, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde,les aima jusqu’au bout. Jn 13,1

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Il semble que l'amour de Dieu pour l'humanité soit la ligne de force qui a inspiré la spiritualité d'Emilie de Vialar.
Chronologiquement, nous ne savons pas exactement comment les grandes lignes de cette spiritualité ont pris place dans son esprit et dans son cœur, mais logiquement, il faut rappeler la contemplation du Mystère de l'Incarnation qu'elle a faite à partir du tableau de Montauban. "Joseph, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse, ce qui est né en elle vient de l'Esprit Saint." Mt 1,20. Mais aussi :"Dieu a tant aimé le monde qu'il lui a envoyé son Fils unique." Jn 3, 16.

Cependant, c'est surtout la vision dont Emilie a été favorisée à u>l'église St Pierre qui a marqué sa vie spirituelle.
" Pendant une visite que je faisais au Saint-Sacrement, dans l’après-midi, entre trois et quatre heures, j’étais seule dans l’église, priant avec calme et ferveur.….. Tout à coup, je vis Jésus-Christ dans le tabernacle. Il était allongé ; sa tête reposait du côté où l’on dit l’évangile et ses pieds de celui de l’épître. Les bras du Sauveur étaient en forme de croix …. (il était) aussi visible que le serait une personne qui se placerait devant moi. Ce qui arrêta le plus mes regards, ce furent b>les cinq plaies /Bque je considérai très distinctement, surtout celle du côté droit; je fixai mes regards sur elle ... il en sortait plusieurs gouttes de sang. J’étais frappée de voir avec tant d’évidence que cette adorable plaie n’était pas du côté gauche comme je l’avais cru jusqu’alors." (Relation des grâces).
C'est une vision très réaliste, qui aurait pu entraîner une spiritualité centrée sur la douleur, sur la souffrance de Jésus, et, pour elle-même, des sentiments de compassion, de réparation.
Sainte Marguerite Marie Alacoque, religieuse Visitandine, a été favorisée de diverses visions et d'entretiens personnels avec Jésus, elle est à l'origine de la dévotion au Sacré Cœur de Jésus. Un premier vendredi du mois de l'année 1674 Jésus se présente à elle "tout rayonnant de gloire avec ses cinq plaies brillantes comme cinq soleils" et il se plaint que son amour est méconnu de la plupart des hommes qui ne songent même pas à lui donner leur amour en retour. Il lui demande alors, en esprit de réparation de cet abandon si douloureux à son cœur, de communier et de veiller ; ce sont des rendez-vous d'amour pour réparer l'oubli.

Pour Emilie, cet aspect de réparation n'est pas exclu :
“Aimons le Seigneur de tout notre cœur, faisons-le avec d’autant plus d’ardeur que beaucoup d’hommes le déshonorent et perdent leur âme ; dédommageons-Le de tant d’ingratitudes en faisant pour Lui les sacrifices qui sont en notre pouvoir ; vous rendrez gloire à Dieu et vous gagnerez le Ciel.” (1852).


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Au cours du dernier repas, … Jésus se lève de table … il commence à laver les pieds de ses disciples. Jn 13, 2-5.
Cependant cet aspect d'amour en réparation des péchés n'est pas premier pour Emilie. Ce qui est premier, c'est l'amour de Jésus pour l'humanité, le sang en est le signe. Ce n’est pas en paroles seulement que Jésus nous a aimés ; il a accepté de verser son sang, de mourir. Même si nous ne sommes pas appelés à verser notre sang, nous devons entrer dans cet amour, pas seulement en paroles et en bons sentiments, mais en actions de charité – actions petites ou grandes. En effet, une allusion très nette à cette vision se trouve dans le commentaire qu'elle fait des Règles qu'elle donne aux Sœurs après la fondation de la Congrégation. Ce commentaire est d'ailleurs placé dans le paragraphe "œuvres de la charité" et non dans celui de la prière :
"L'esprit de cette Congrégation est de consacrer les Sœurs à l'exercice des différentes œuvres de la charité. Pour acquérir cette divine vertu, elles méditent chaque jour de leur vie sur la charité immense dont le cœur de Jésus-Christ est rempli et elles s'efforcent d'imiter son zèle pour le salut des âmes, et sa grande miséricorde envers le prochain. Elles considèrent souvent les plaies adorables du Sauveur, afin que, réfléchissant sur l'amour de Dieu pour les hommes, elles entretiennent et augmentent chaque jour les sentiments de compassion et de zèle qui doivent les animer pour leurs semblables." (Esprit et développement des règles).

Jésus nous a aimés jusqu'à donner sa vie pour nous, et nous devons, nous aussi, donner notre vie pour les autres. C'est ainsi que nous participerons au mystère pascal.
Donner sa vie en allant dans les pays lointains, faire des voyages risqués … mais aussi donner sa vie dans les petites choses de la vie courante, la vie à laquelle le Seigneur nous appelle et ceci, avec persévérance, tous les jours.
"J’espère que vous aurez bon courage et que la pensée d’aller travailler en terre infidèle vous animera d’un zèle plein de force pour vous mettre à l’abri des craintes puériles. Nous sommes les soldats de Notre-Seigneur, Il est notre Chef, Il saura nous préserver de tout mal. Allez, ma chère Sœur, commencer une mission très fructueuse pour les âmes et en particulier pour la vôtre. La divine Providence à qui je servais d’instrument m’a toujours assistée." (1851)
"C’est ici le théâtre des grandes œuvres ; aucun pays n’a guère plus que celui-ci besoin de l’exercice d’une grande charité, et à part ce grand but qui est le mobile qui me fait agir, l’intérêt de ma Congrégation y est attaché, car il ne suffit pas d’avoir bien commencé et d’avoir depuis la confiance, il faut continuer les œuvres, la compassion ne doit jamais se ralentir. (1843)



2) Etre fidèle à la mission que Dieu nous donne, entraîne forcément des souffrances. (Vendredi Saint)
* Dans un premier temps, les souffrances sont si fortes qu'elles écrasent.
Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ? Mt 27,46.



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Emilie expérimente vite que, si l’on veut être fidèle au Seigneur, à ce qu’il demande de nous pour notre vie personnelle ou pour la mission, cela entraîne des souffrances : fatigues physiques, conditions de vie précaires, souffrances morales à cause de la jalousie, des abus de pouvoir, des contradictions, des mensonges …. ou difficultés dans la vie apostolique, quand l’action semble ne servir à rien.
“L’on ne me connaît pas ( à Toulouse ), j’ai des ennemis, par conséquent vous pouvez prévoir que tout ce qui touche à l’amour-propre sera sacrifié.” (1850)
“Dieu m’a donné la grâce d’être assez forte pour supporter les fatigues qui sont indispensables dans ma position …”
(1844)

La souffrance est parfois d'autant plus forte qu'Emilie ne la comprend pas, par exemple quand cette épreuve semble mettre en échec ce à quoi elle se sent appelée. Alors elle ne peut que se soumettre.
“Je bénirai plus tard le Seigneur de m’avoir fait participer à sa pauvreté ; pour le moment, je ne puis me soumettre qu’avec résignation, parce que la croix est dure lorsqu’on considère que de cette maison dépend la conservation et la progression de nos œuvres.” (1848)
“Je poursuivrai ma tâche jusqu’aux derniers retranchements. Il faut bien comprendre l’amour de Dieu et celui qu’Il a pour les âmes pour rester la même au milieu de tant de dégoûts ; mais je n’ai pas beaucoup de mérite de le comprendre, vous le savez ; je n’ai qu’à remercier l’Epoux céleste de m’avoir choisie pour porter sa Croix, elle est bien douce quand on a l’espérance d’être aimé de Lui.”
(1843)

* Mais la confiance en l'amour de Dieu, malgré tout, n'est jamais très loin dans le cœur d'Emilie.
Père, je remets mon âme entre tes mains.Lc 23,46
“Dieu m’a menée jusqu’à aujourd’hui par les mêmes voies, celle des amertumes les plus variées possible et souvent les moins attendues ; quelles sont celles qui m’attendent encore ! J’ai beaucoup d’épreuves, mais Dieu est toujours là pour me soutenir.” (1847).
“Priez toujours pour moi, car Dieu m’assistant toujours de plus en plus me fait cependant comprendre que je suis l’Epouse d’un Crucifié. Je dois vous dire que je suis habituellement en paix depuis quelque temps ; Dieu ménage ma faiblesse …
Oui, les hommes m’ont beaucoup persécutée ; je compte à peine les secours que j’ai reçus d’eux, et cependant sept années se sont écoulées, pendant lesquelles et toujours d’une manière distincte, j’ai vu la main du Seigneur venir à mon aide.”
(1854)



3) La Résurrection (Pâques).
Emilie n’a rien écrit sur la Résurrection, ni sur d’autres mystères de la Foi, mais elle les a vécus

a) De cette confiance, même au sein de l'épreuve, naissent une paix et même une joie qui sont, en fait, la présence du Ressuscité en elle :
“Les épreuves ne me sont pas épargnées, et j’entrevois beaucoup de combats à soutenir et beaucoup de difficultés à vaincre, mais jamais mon courage n’a été plus grand et ma confiance en Dieu plus entière. Je puis dire avec St.Paul que la grâce de Dieu me suffit, et qu’elle est assez puissante en moi pour maintenir mon âme dans une paix et même une sorte de joie qui fait que je suis vraiment heureus (1845)

b) Emilie vit avec le Christ Ressuscité et a incité les Sœurs à faire de même
C'est le Seigneur ! Jn 21, 7.
Elle le voit dans chaque circonstance de sa vie et elle peut dire comme l'Apôtre Jean : "c'est le Seigneur !"
“Combien ma foi dans le secours paternel de la divine Providence a été augmentée ! Que ne puis-je démontrer à chacune de mes Sœurs les soins paternels et maternels que le Seigneur m’a prodigués d’une manière, non miraculeuse, mais si frappante, que l’invisible se rendait comme visible par ses bienfaits.” (1849).

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b) Etre attentive à cette présence de l’invisible, c’est ce qu’elle appelle le recueillement.
“ Le Seigneur me porta au recueillement. Il m’y formait en me faisant sentir sa présence au milieu de mes occupations de telle sorte que mon âme s’unissait très intimement à lui.” (RDG)
“Le recueillement étant l’esprit propre de la Congrégation, toutes les Soeurs qui la composent doivent travailler à l’acquérir. Il doit animer leurs actions et donner le mouvement à toute leur conduite”.
( E et R)

c) Si Dieu est présent, on lui parle comme un ami parle à son ami.
“Dieu est présent partout ; Jésus-Christ, Dieu et Homme, est dans votre maison ; dans vos douloureux moments, allez Lui parler, Le prier de vous venir en aide ; demandez-Lui qu’Il vous éclaire, qu’Il vous fortifie et qu’Il vous console par sa grâce. Vous êtes son enfant, Il vous porte gravée dans ses mains ; jetez-vous en esprit dans ses bras ; Il est votre bon Père, votre meilleur Ami ; adressez-vous à Lui comme son Epouse, dites-Lui que vous voulez être crucifiée avec-Lui, mais que, sans la grâce, vous ne pouvez rien”. (1855)

d) Elle vit avec Jésus, bien plus, Jésus vit en elle.
Ce n'est plus moi qui vis, c'est le Christ qui vit en moi" Gal 2,20. disait St Paul. Et Emilie reprend à son compte ce qu'il disait sur la grâce :
""Je puis dire avec St.Paul que la grâce de Dieu me suffit, et qu’elle est assez puissante en moi pour maintenir mon âme dans une paix et même une sorte de joie qui fait que je suis vraiment heureuse."

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Notre cœur n'était-il pas tout brûlant au-dedans de nous quand il nous parlait en chemin et nous expliquait les Ecritures ? Lc 24,32.
Cette union à Dieu la comble de joie. La Joie de Pâques n’est pas une joie exubérante, mais une joie profonde qui s’apparente à la douceur et à la paix.
“Que vos cœurs soient au Seigneur, que son divin amour y domine ; dès lors, vous serez heureuses, même en ce monde, par la paix dont vous jouirez”. (1856)

“Ah ! Aimez de tout votre cœur ce Jésus-Hostie qui ne demande qu’à s’unir à vous ! En Lui, nous trouverons tous les biens ; En Lui, nous trouverons tout l’amour que demande notre pauvre cœur.”

“Aimez de plus en plus Notre-Seigneur et attendez de Lui une bien grande récompense si vous travaillez uniquement pour Lui plaire, et cette récompense n’est autre chose que la possession de Lui-même ; Il vous le fera si bien sentir que vous en serez comme enivrée de joie et de douceur.”



c) Cette présence de Jésus Ressuscité qui brûle son coeur déborde à l'extérieur, elle veut la communiquer.
Qu'avez-vous à nous regarder comme si c'était par notre puissance ou grâce à notre piété que nous avons fait marcher cet homme ? AA. 3,12
Comme pour les Apôtres au soir de Pâques, cette présence intime du Ressuscité dans le cœur d’Emilie est la source de son action apostolique.
“Je me réjouis d’être appelée à fonder à Tunis une maison de religieuses… Je ne sais pourquoi le Seigneur m’a choisie de préférence à tant d’autres bien plus parfaites que moi. Cela ne peut être que reconnaissant ma profonde indignité, toute la gloire Lui en reviendra.”( 1840)

“Le Seigneur a allumé au-dedans de moi le même feu qu’Il y a allumé depuis longtemps, car si Dieu ne soufflait pas en moi l’esprit de zèle, mon cœur cesserait d’être animé et dès lors, je ne pourrai plus rien faire".
(1844)


En cette période pascale, laissons-nous entraîner par Ste Emilie qui traduisait elle-même dans sa vie Chrétienne le mystère pascal vécu par Jésus en :
* donnant notre vie par amour, non seulement dans une prière fervente, un cœur à cœur avec Jésus, mais aussi en actions concrètes, petites ou plus visibles ;
* acceptant les souffrances inévitables à toute vie même si elles nous écrasent mais sans perdre la confiance en l'amour de Dieu, malgré tout ;
* Alors naîtront en nous une paix et même une joie qui sont, en fait, la présence du Ressuscité en nous.



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